À ceux qui voudraient croire que la question du genre n’est qu’une récente affaire de mode, François Chaignaud et Nino Laisné apportent ici une magnifique contradiction. Convoquant l’Orlando furioso du XIVe siècle et la figure créée par Virginia Woolf, ils ont puisé dans les traditions baroques espagnoles quelques créatures qui naviguent, portées par le chant et la danse, dans des zones indéfinies, entre-deux solaires ou solitaires... Hommes ? Femmes ? Androgynes ? «La seule certitude de ces personnages semble être leur détermination à façonner le réel à la mesure de leur désir », écrivent les auteurs. Danse contemporaine, cabaret, danses classiques et de cour, danses espagnoles : le spectacle s’hybride lui aussi avec fluidité, accompagné par un ensemble qui mêle le bandonéon aux instruments baroques. De la jota au boléro, jusqu’au flamenco, cette zarzuela d’un nouveau genre traverse les histoires espagnoles comme les espagnolades à la française. Endossant tous les rôles, toutes les identités et suscitant l’éblouissement collectif au Festival d’Avignon 2018, François Chaignaud porte sur ses épaules, tour à tour vigoureuses et graciles, un moment hors du temps, où, par-delà toutes les incertitudes, persiste, éternelle, la romance.