Mahagonny est le nom de cette ville fondée par trois repris de justice en cavale dans l’Ouest américain, à l’endroit même où leur camion tombe en panne. Suivant la devise
« rien n’est interdit, tout est permis et à vendre », leur cité idéale devient rapidement un vivier de perversion et de décadence où les naïfs sont vite dépouillés de leur argent. Miroir aux alouettes où tous les désirs peuvent être satisfaits à outrance, on y trouve des bataillons de prostituées, du whisky à gogo, des victuailles à faire crouler les tables, des jeux de poings et des jeux de hasard. Aventuriers errants, proscrits de tout ordre, escrocs de tout bord? la clientèle afflue pour goûter au meilleur du pire.
Cette fable édifiante sortie de l’esprit contestataire de Bertold Brecht est mise en musique par Kurt Weill avec l’ambition de réaliser un opéra à part entière : « le livret est agencé dès le début de telle manière qu’il représente une succession de situations ; celles-ci ne produisent une forme dramatique que par la dynamique musicale de leur développement. » Cette dynamique s’accomplit sous la forme d’une partition expressionniste généreuse en coups de théâtre et en changements de registres. L’enchaînement des différentes scènes est scandé par des musiques de genre avec des effets « couleur locale » savamment orchestrées : rythmes syncopés de fox-trot, ambiances jazzy, airs de cabarets, mélodies enfumées et gouailleuses comme le fameux
« Alabama Song ». On fait confiance à la direction musicale de Pascal Verrot pour ne pas manquer de swing ! Son répertoire lyrique de prédilection réunit en effet les noms de Mozart, Puccini, Strauss mais aussi ceux de Cole Porter et Leonard Bernstein. Quelque part entre la bande dessinée et les peintures de James Ensor, le tandem de metteurs en scène Patrice Caurier et Moshe Leiser s’en donne à coeur joie pour régler un spectacle à la fois divertissant et gentiment grinçant. Leur vision de Mahagonny respecte scrupuleusement la nature transgressive de cette charge contre le pouvoir absolu de l’argent dans une société où « le plus grand crime que l’on puisse commettre est de n’en pas avoir. »
L’équipe artistique
Pascal Verrot : Direction musicale
Patrice Caurier et Moshe Leiser : Mise en scène
Christian Fenouillat : Décors
Agostino Cavalca : Costumes
Christophe Forey : Lumières
Avec
Nuala Willis : Leokadja Begbick
Beau Palmer : Fatty
Nicolas Folwell : Moïse la Trinité
Elzbieta Szmykta : Jenny Hill
Andrew Rees : Jim Mahoney
Eric Huchet : Jack O’Brien / Toby Higgins
Frédéric Caton : Bill
Randall Jakobsch : Joe
2H45
Opéra en trois actes de Kurt Weill (1900-1950)
Livret de Bertolt Brecht
Créé au Neues Theater Leipzig le 9 mars 1930
Opéra chanté en allemand, surtitré en français
Production opera de lausanne (1997), reprise angers-nantes opera et opera de lille.